Sur les rĂ©seaux sociaux, ils sont plusieurs milliers de personnes Ă Ă©voquer des consĂ©quences du coronavirus, de longues semaines aprĂšs avoir Ă©tĂ© infectĂ©s. Des consultations "post-Covid" Ă©mergent peu Ă peu pour tenter d'expliquer cet Ă©tat."Marcher plus de quelques mĂštres" est maintenant une Ă©preuve sportive, impossible Ă terminer pour Agathe. Depuis plusieurs mois, cette femme de 35 ans ressent un essoufflement continu, une fatigue "que je ne connaissais pas avant". Son corps, "trĂšs lourd", pourrait ĂȘtre celui d'une octogĂ©naire. Il est celui d'une patiente qui, selon les diagnostics de plusieurs mĂ©decins, a prĂ©sentĂ© des symptĂŽmes "trĂšs Ă©vocateurs" du Covid-19. Sur les rĂ©seaux sociaux, leurs tĂ©moignages apparaissent accompagnĂ©s du hashtag apresJ20, apresJ60, parfois mĂȘme apresJ100. Des personnes affirmant avoir souffert du Sars-CoV-2 disent connaĂźtre encore de lourds symptĂŽmes, longtemps aprĂšs leur apparition. D'aprĂšs un suivi du CHU de Rennes, entre 10 et 15% des patients non-hospitalisĂ©s interrogĂ©s n'avaient toujours pas repris leur activitĂ©, six semaines aprĂšs la maladie. "Ils prĂ©sentaient toujours des symptĂŽmes inattendus, trĂšs invalidants", dĂ©veloppe Pierre Tattevin, chef du service des maladies infectieuses. "Un tiers des patients avaient l'impression d'avoir perdu leur capacitĂ© respiratoire. Et 40% exprimaient une grande fatigue." L'Organisation mondiale de la santĂ© OMS a Ă©voquĂ© cette rĂ©alitĂ© le 22 juin, lors d'une confĂ©rence de presse en anglais "Certaines personnes ont des symptĂŽmes persistants, comme une toux sĂšche au long cours, de la fatigue ou le souffle court en montant des marches", a reconnu l'institution. Une Ă©tude nĂ©erlandaise, relayĂ©e par le site NL Times, a rĂ©cemment montrĂ© que 60% des patients interrogĂ©s â environ 1 600 â prĂ©sentaient toujours des symptĂŽmes respiratoires, prĂšs de trois mois aprĂšs le dĂ©but de la maladie. Pourtant, 91% d'entre eux n'ont pas Ă©tĂ© hospitalisĂ©s, et 85% de ces patients Ă©taient en bonne santĂ© avant le Covid-19. D'aprĂšs Benjamin Davido, infectiologue Ă l'hĂŽpital Raymond-PoincarĂ© de Garches Hauts-de-Seine, 5 Ă 10% des malades du coronavirus pourraient ĂȘtre dans cette situation. Julie, 40 ans, a perçu de premiers symptĂŽmes "anodins" dĂ©but avril. Un lĂ©ger rhume et des Ă©ternuements, vite accompagnĂ©s d'une perte d'odorat. "J'avais des courbatures et de la fatigue, mais rien Ă voir avec ce que je connais actuellement", relate cette mĂšre de deux enfants, "Ă©puisĂ©e" aprĂšs trois mois de maladie. Pour cette professionnelle de la protection de l'enfance en ArdĂšche, testĂ©e positive, la situation est passĂ©e d'un "petit rhume" Ă des insuffisances respiratoires mi-avril. Puis une rechute, il y a moins d'un mois. Julie dĂ©crit dĂ©sormais "des migraines qui ne passent pas", des "nausĂ©es incessantes". Les premiers symptĂŽmes d'Olivier, courant mars, semblaient eux aussi "plutĂŽt lĂ©gers". Des courbatures, une perte du goĂ»t et de l'odorat, des douleurs thoraciques et de la fatigue. "Le tournant a eu lieu dĂ©but mai", Ă l'issue d'une accalmie de deux Ă trois semaines, raconte cet habitant de Boulogne-Billancourt Hauts-de-Seine, testĂ© positif lui aussi "Une pointe au cĆur avec des picotements au cerveau m'a fait chuter. Mon corps tremblait. J'ai cru que j'allais mourir." Une batterie d'examens avec un cardiologue ne signale rien, mais des "sauts de cĆur" reviennent pour cet homme de 44 ans "trois Ă quatre fois par jour". De ces symptĂŽmes cardiaques naissent parfois des complications, comme l'a vĂ©cu Philippe, Parisien de 33 ans Ă©galement testĂ© positif par PCR. "J'ai Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 4 mars... jusqu'Ă la semaine derniĂšre", rĂ©sume le trentenaire travaillant dans le milieu de l'assurance. En plus de la toux et d'un essoufflement "qui ne partait pas", Philippe a dĂ©veloppĂ© une tachycardie â un symptĂŽme "assez frĂ©quent" parmi les patients suivis Ă Rennes, observe Pierre Tattevin. "J'Ă©tais dĂ©jĂ traitĂ© pour de l'arythmie et de l'hypertension, mais aprĂšs la tachycardie, j'ai dĂ©veloppĂ© une insuffisance cardiaque", rapporte Philippe. En avril, j'ai dĂ©butĂ© un nouveau traitement cardiaque, Ă vie. J'aurai toute ma vie un suivi cardiaque Ă cause du Covid-19. "Les symptĂŽmes sont passĂ©s, puis ils sont repartis. Et lĂ , ça a empirĂ©", confie de son cĂŽtĂ© Anne Rettien, artiste peintre et salariĂ©e d'un magasin dans la rĂ©gion de Metz Moselle. DĂ©but mars, cette femme de 56 ans a souffert d'une toux persistante, d'acouphĂšnes et de douleurs thoraciques. "C'Ă©tait dĂ©sagrĂ©able mais pas douloureux. Ăa l'est devenu par la suite", dĂ©crit-elle. L'essoufflement est arrivĂ©, tout comme les palpitations "Mon cĆur battait fort quand je montais cinq marches, alors que je fais d'habitude du sport quatre fois par semaine." Courant avril, aprĂšs avoir Ă©tĂ© testĂ©e positive, les douleurs thoraciques d'Anne Rettien s'intensifient. La quinquagĂ©naire, en permanence fatiguĂ©e, sent comme une personne assise sur sa poitrine. Un scanner dĂ©tecte alors une fibrose pulmonaire rĂ©cente, liĂ©e au Covid-19. "Il n'y a rien Ă faire contre cette fibrose, dĂ©plore-t-elle. J'aurai un scanner de contrĂŽle dans six mois. Soit elle partira, soit elle ne partira pas." En arrĂȘt et malgrĂ© des amĂ©liorations respiratoires, Anne Rettien vit toujours une vie "au ralenti". L'inquiĂ©tude la gagne "Est-ce que je vais guĂ©rir ? Et quand ?" "Nous sommes face Ă un dĂ©sert un dĂ©sert d'information, un dĂ©sert de coordination mĂ©dicale", dĂ©nonce un collectif de ces patients dans une tribune parue dans Le Journal du dimanche. Face Ă ce constat, HĂ©lĂšne Elouard a lancĂ© une pĂ©tition pour "les oubliĂ©s du Covid-19". "Pour beaucoup d'entre nous, pas de formes alarmantes, alors, on nous a laissĂ©s de cĂŽtĂ©. C'est le stress, c'est l'angoisse, c'est psychologique, nous dit-on", Ă©crit-elle. "Ce n'est pas normal que l'on ne prenne en charge que quand un test est positif", regrette cette femme de 54 ans. Agathe assure ainsi ne pas avoir pu intĂ©grer un service de rééducation post-Covid, faute de test PCR fin mars Ă l'Ă©poque, seuls les cas graves Ă©taient testĂ©s et du fait de rĂ©sultats nĂ©gatifs en test sĂ©rologique. Des "faux nĂ©gatifs" sont toutefois possibles, et des diagnostics mĂ©dicaux, consultĂ©s par franceinfo, Ă©voquent une infection Covid-19. GrĂące Ă un proche, elle a finalement pu rejoindre un centre de rééducation ces derniers jours, prĂšs de Deauville Calvados. "Les mĂ©decins sont assez dĂ©munis. Ils n'ont jamais vu ça autant de symptĂŽmes avec un bilan clinique aussi parfait", commente la trentenaire. "C'est normal, ça va passer", "Je ne sais pas", "Vous avez une cĂŽte coincĂ©e"... Voici, entre autres, ce qu'assure avoir entendu Flora ces derniers mois, alors qu'elle se prĂ©sentait Ă des mĂ©decins avec d'importantes douleurs au poumon. "Le mal au thorax, je l'ai depuis trois mois", insiste cette vendeuse de 31 ans vivant Ă Dinan CĂŽtes-d'Armor, en arrĂȘt depuis dix jours du fait de ces symptĂŽmes. "Certaines personnes nous croient Ă moitiĂ© beaucoup nous disent 'non, c'est dans le mental'. Nous, on va les voir parce qu'on a mal." Nous ne connaissions pas ce virus il y a six mois. Des symptĂŽmes psychosomatiques sont souvent Ă©voquĂ©s quand on ne trouve pas une explication anatomique Ă ce que l'on voit. Ăa ne veut pas dire que ça l'est. Pierre TattevinĂ franceinfo Marjorie Neveu a vu sa mĂ©decin "25 fois en quatre mois". Cette cadre de l'Education nationale de 45 ans souffre encore "de problĂšmes Ă respirer, de douleurs musculaires et osseuses" et d'une "fatigue persistante". AprĂšs une pancrĂ©atite en fĂ©vrier, la patiente s'est retrouvĂ©e plusieurs fois aux urgences en avril et mai, du fait de douleurs thoraciques trop importantes. Comme ce jour d'avril, oĂč Marjorie Neveu, "complĂštement oppressĂ©e", n'arrivait plus Ă respirer. "On m'oriente alors vers un scanner et les aspects scanographiques montrent une atteinte Covid-19", relate-t-elle. "Puis, ils m'ont transfĂ©rĂ©e aux urgences Covid. Ils m'ont fait un test PCR, revenu nĂ©gatif. On m'a demandĂ© de rentrer chez moi tranquillement." Le scĂ©nario se rĂ©pĂšte fin avril, puis fin mai. On lui prescrit des antibiotiques et antalgiques, et un mĂ©decin Ă©voque "une crise d'angoisse". Le 18 juin, un nouveau scanner rĂ©vĂšle que Marjorie Neveu souffre d'une embolie pulmonaire. Elle est hospitalisĂ©e six jours en unitĂ© Covid-19. "Le corps mĂ©dical est dans l'interrogation la plus totale", rĂ©sume GrĂ©goire Duquesnoy, ĂągĂ© de 35 ans. Il y a un mois, cet habitant du nord de la France a consultĂ© un pneumologue, dĂ©muni face Ă des gĂȘnes respiratoires trĂšs rĂ©guliĂšres depuis mars. "J'ai fait un test de capacitĂ© pulmonaire et j'avais une capacitĂ© de 77%, contre 130% lors de mes derniers examens, relate-t-il. J'ai perdu la moitiĂ© de mes capacitĂ©s pulmonaires." Face Ă lui, le pneumologue Ă©voque une "guĂ©rison Covid", mais reste dans le doute. "MĂȘme lui me disait que le confinement avait pu crĂ©er une psychose. Mais je n'ai jamais eu de problĂšme avant. Je suis trĂšs sportif, et lĂ , j'ai un Ă©tat qui se dĂ©grade." Les douleurs thoraciques, l'essoufflement et un Ă©tat gĂ©nĂ©ral de fatigue sont les signes actuels les plus frĂ©quents chez ces patients, constate Pierre Tattevin. "Samedi, je suis sortie dehors pour la premiĂšre fois depuis longtemps", relate Marjorie Neveu. Ses douleurs thoraciques continuent de la rĂ©veiller la nuit. Elle ressent comme "des coups de poignard Ă chaque respiration". La moindre chose me demande un effort incommensurable. J'espĂšre ĂȘtre sur la voie ascendante, mais je ne vois pas d'amĂ©lioration de ma fatigue. Je me casse la figure jour aprĂšs jour. Marjorie NeveuĂ franceinfo Si Julie n'a plus les symptĂŽmes respiratoires qu'elle a pu avoir, sa fatigue persiste encore. "Je suis Ă©puisĂ©e, j'ai l'impression que mon corps ne se remettra pas", rĂ©sume Julie. Cette mĂšre se souvient avoir dĂ» s'arrĂȘter Ă deux reprises, alors qu'elle prĂ©parait une pĂąte brisĂ©e "Tout le haut du corps me fait souffrir, et je suis trĂšs vite Ă©puisĂ©e de tout." Comme simplement courir aprĂšs son fils de 16 mois, ou lui donner son bain. L'essoufflement et l'Ă©puisement ne sont pas les seuls symptĂŽmes Ă s'inscrire dans la durĂ©e. "J'ai eu le Covid-19 et des symptĂŽmes plus Ă©tonnants les uns que les autres se sont enchaĂźnĂ©s", tĂ©moigne Florence, diagnostiquĂ©e par son mĂ©decin. En plus d'une gĂȘne respiratoire et d'une grande fatigue, cette femme de 45 ans vivant en Ile-de-France dĂ©crit des maux de tĂȘte "quotidiens, trĂšs intenses", mais aussi des douleurs gastriques et de la diarrhĂ©e, frĂ©quente parmi les personnes interrogĂ©es. "J'ai aussi des absences, des trous de mĂ©moire je ne vais plus savoir comment fonctionne le micro-ondes, ou oublier que j'ai appelĂ© quelqu'un un aprĂšs-midi et le rappeler le soir." Son mari l'"aide beaucoup", tant chaque tĂąche mĂ©nagĂšre est devenue difficile. La situation est la mĂȘme pour Philippe, dont le conjoint "a beaucoup pris le relais" Ă©tendre le linge, par exemple, n'est plus faisable. "Je dois m'asseoir et reprendre mon souffle, boire de l'eau. Comme si j'avais fait une sĂ©ance de sport, alors que c'est un effort normal de la vie courante." Quatre mois aprĂšs sa contamination, Olivier sent qu'il commence Ă corriger son essoufflement Ă l'effort. Mais ses questions restent nombreuses, notamment sur des symptĂŽmes d'ordre neurologique, ou sur son odorat de nouveau altĂ©rĂ©. Il y a quelques jours, le patient s'est rendu Ă l'HĂŽtel-Dieu Ă Paris, pour dĂ©buter un suivi de ces symptĂŽmes au long cours. Sa mĂ©decin "suit une centaine de personnes" dans le cadre de ce programme, relate le quadragĂ©naire. Ces consultations "post-Covid" sont nĂ©es rĂ©cemment pour mieux prendre en charge ces patients toujours malades. Des Ă©tudes se lancent en parallĂšle pour leur apporter des rĂ©ponses. A l'hĂŽpital de l'HĂŽtel Dieu, deux Ă©tudes sont en cours sur la persistance et la rĂ©surgence de leurs symptĂŽmes, prĂ©cise Le Parisien. En Suisse, ajoute La Tribune de GenĂšve, l'hĂŽpital de l'Ile Ă Berne se penche sur les sĂ©quelles Ă moyen et long terme du Covid-19. A l'hĂŽpital Foch de Suresnes Hauts-de-Seine, le programme "Rehab-Covid", proposĂ© trois demi-journĂ©es par semaine, a dĂ©butĂ© le 12 juin. "Nous avons vu une quinzaine de patients, mais nous avons beaucoup de demandes nous sommes presque plein jusqu'en septembre", explique Nicolas Barizien, chef du service de mĂ©decine physique et de rĂ©adaptation de l'hĂŽpital. Comme plusieurs tĂ©moignages l'Ă©voquent, les patients suivis Ă Suresnes ont fait "une forme pas trĂšs grave et assez typique" du Covid-19, dĂ©crit le mĂ©decin. Ils ont ensuite connu "une pĂ©riode de convalescence de deux Ă trois semaines", puis une "rĂ©surgence de symptĂŽmes" multiples sur le tard. "On ne voit pas cela habituellement dans les maladies infectieuses", dĂ©veloppe Nicolas Barizien. "Il y a beaucoup de signes â comme l'essoufflement, la fatigue ou des douleurs musculaires â que l'on retrouve dans des infections virales banales. Le Covid-19, lui, donne tous ces signes." Les signes ne sont pas surprenants. Ce qui l'est, c'est le fait de voir tous ces signes en mĂȘme temps, et une rĂ©surgence des symptĂŽmes alors qu'on les croyait guĂ©ris. Nicolas BarizienĂ franceinfo Pierre Tattevin partage ce constat d'un virus trĂšs dĂ©routant. "D'autres groupes de virus, les hĂ©patites virales par exemple, peuvent donner des fatigues prolongĂ©es. Ce n'est pas du tout attendu pour des virus respiratoires", relĂšve le mĂ©decin. De premiĂšres hypothĂšses Ă©mergent nĂ©anmoins. "Ce n'est pas une persistance du virus, plutĂŽt une convalescence prolongĂ©e de tous les dĂ©gĂąts qu'a fait le virus Ă sa phase aiguĂ«", constate Pierre Tattevin. "Cela ressemble plus Ă quelque chose de post-infectieux, de post-inflammatoire", poursuit-il. Les tachycardies pourraient ainsi ĂȘtre "une compensation du cĆur face au manque d'oxygĂšne et Ă la fatigue". Quant Ă l'atteinte du systĂšme nerveux, "c'est une piste sur laquelle on travaille, mais aucune lĂ©sion n'a Ă©tĂ© observĂ©e Ă ce stade", prĂ©cise Nicolas Barizien. Les deux mĂ©decins se veulent optimistes. A l'hĂŽpital Foch, les premiers patients du "Rehab-Covid" voient dĂ©jĂ leur Ă©tat s'amĂ©liorer. "La majeure partie des gens, aprĂšs trois mois, sont totalement guĂ©ris", insiste Pierre Tattevin. Mais pour les patients toujours atteints, la perspective du rĂ©tablissement est encore lointaine. "Moralement, c'est difficile, confie Agathe. C'est une maladie marathon et on ne sait pas s'il y aura une fin."
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